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DMD PICTURES
30 décembre 2013

Le Mec Idéal : Estelle et les garçons d’Abidjan

Le mec idéal

Réalisateur : Owell Brown

Pays : Côte d’Ivoire

Année : 2011

A l’occasion du Festival international des films d’Afrique francophone et de la diaspora, je me suis rendu à la projection de ce qui s’annonçait comme une comédie romantique – genre que j’évite habituellement, n’étant pas un inconditionnel de la moraline et des bons sentiments, et considérant par ailleurs que les inévitables “séquences émotion” qui encombrent ce type de films désamorcent tout ce qu’on pourrait attendre de légèreté et d’humour dans une comédie. J’ai tout de même fait un effort cette fois-ci, me disant que même si le genre ne m’attirait guère, l’exotisme de sa réalisation me fournirait de quoi susciter ma curiosité. Comme je l’ai déjà écrit dans une autre chronique, j’essaie, à chaque fois que je le peux, de me rendre aux projections de films africains car c’est une cinématographie émergente (du moins en terme de distribution internationale) et il me paraît donc essentiel de m’y intéresser de près.

Dans une note d’intention, le réalisateur explique Owell Brown explique : « La Côte d’Ivoire a besoin de telles productions en ce moment. En effet, lorsque l’on réalise sur des histoires d’amour, c’est le signe que les notions de guerre ou de conflit sont reléguées au second plan. Et justement le monde entier a besoin de savoir que la Côte d’Ivoire a tourné la page de la guerre et que nous en sommes désormais à régler des problèmes du train-train quotidien : l’amour entre autres. » L’amour dont il est question, c’est celui de Marcus, un jeune employé de pressing, pour Estelle, la directrice d’un salon de coiffure, beauté plantureuse dont les qualités plastiques justifient à elle-même le déplacement au cinéma. Bref, un schéma vieux comme le monde : une bourgeoise (hier c’eût été une princesse) courtisée par des hommes tous plus riches et puissants les uns que les autres mais aimée d’amour sincère par un homme plus pauvre qu’elle qui finira par conquérir son cœur au mépris des conventions sociales. En gros, on célèbre le prééminence de la passion sur l’argent, la supériorité du mariage d’amour sur le mariage de raison. Le tout sur fond d’une boucle de r’n’b répétitive qui revient sans relâche d’une scène à l’autre et avec une qualité d’image qui évoque davantage le téléfilm que le cinéma – une sorte de version ivoirienne et longue d’un épisode d’AB Production.

Mais ce jugement serait injuste s’il ne prenait pas la peine de remettre ce film dans son contexte, celle d’une réalisation qui, à en croire les critiques africains, représente peut-être un cap dans la cinématographie ivoirienne par la qualité technique déployée. La Côte d’Ivoire n’est en effet pas le pays d’Afrique le plus connu pour son industrie cinématographique (pas de comparaison possible avec, par exemple, le Nigéria dont j’ai parlé une autre fois et dont la production est florissante). J’ajoute que si on n’est pas à l’affût d’un chef-d’œuvre, le film se laisse regarder plutôt agréablement et que l’aspect de comédie n’y est pas absent, notamment en ce qui concerne la manière dont la religion est brocardée. Ainsi de cette scène où un pasteur vient exorciser l’appartement de l’héroïne pour en chasser l’esprit de son ancien amant (esprit malfaisant car il l’avait trompée) et qu’il enchaîne en expliquant à Estelle que Dieu lui a désigné dans un songe l’homme idéal pour elle, un jeune frère catholique qui l’accompagne et qui parait tomber de la dernière pluie. Le principal ressort comique, lui aussi très classique (on pense, dans ce type de schéma narratif, au théâtre français du XVIIème siècle), tient dans le fait que Marcus et son meilleur ami William, un riche homme d’affaires, courtisent la même femme sans le savoir et s’aident mutuellement en se donnant des conseils, sans se douter qu’ils vont être amenés, une fois le pot aux roses révélé, à se transformer en rivaux. Autre lieu commun (d’influence américaine cette fois) : l’inévitable séance de relooking du héros, qui, accompagné de son ami, fait le tour des boutiques de la ville pour se confectionner une allure de jeune premier apte à faire oublier la classe sociale dont il est issu. Dans les films américains, il arrive que le héros se rase la barbe à un moment donné pour donner une coloration plus positive à son personnage ; ici, Marcus remplace ses cheveux crépus par des tresses à la mode Snoop Dog…

L’aspect le plus frappant du film se situe peut-être dans les dialogues. Il est assez déroutant (et pas désagréable) de remarquer que les échanges de répliques, loin d’être énoncés dans une oralité naturelle telle qu’imposée presque systématiquement dans le cinéma moderne par le réalisme, relèvent très clairement de la langue écrite, du français le plus classique, le plus normatif qu’il soit. Entendre un employé de pressing utiliser une langue si neutre, si exacte, presque sans accent, dénuée d’argot ou du moindre diminutif, n’oubliant aucune élision, crée – involontairement – un décalage amusant. Le Mec Idéal, un film dépaysant malgré son classicisme.

 

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Posté par David L Epee à - Afrique - Commentaires [0] - Permalien [#]

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